Bulletin de l’Association pour Perpétuer
le Souvenir des Internées des Camps de
Brens et de Rieucros

Année 2005 - bulletin n° 3


Mme Angelita BETTINI, Présidente
M. Rémi DEMONSANT, Secrétaire

 


AOUT - SEPTEMBRE : mois du souvenir


       L’Association rappelle qu’à l’occasion de la commémoration de la Libération de Gaillac, une cérémonie se déroulera devant la stèle du camp de Brens, le Dimanche 21 Août à 10 h 15.
       A 11 h, après rassemblement Place d’Hautpoul et défilé au Monument aux Morts, le cortège se dirigera vers le square Joffre où a été édifiée une statue représentant une femme aux mains liées, le visage levé vers le ciel, en souvenir de l’itinéraire suivi, non seulement le 26 août 1942 par les déportées juives vers Auschwitz, mais également par la plupart des internées, de la gare au camp de Brens ou inversement.
       Le 26 août 1942, lors de la plus importante rafle antijuive de la zone non occupée, Brens livre son contingent d’internées: 31. Elles rejoignent au camp de transit de Saint-Sulpice, les autres juifs arrêtés dans tout le département du Tarn avant de partir pour le camp d’extermination. En participant à cette cérémonie, vous contribuerez, à en faire un moment significatif pour notre Association, soutenue par le Groupe Vendôme et des organisations départementales de la Résistance. Elle a, comme vous le savez, désir de créer un Lieu de Mémoire sur l’emplacement du Camp, avec l’appui des municipalités de Brens, de Gaillac et du Conseil Général du Tarn et la volonté d’aboutir qui ne peut se concrétiser que par une prise de conscience plus large par les citoyens d’un enjeu important.
       Nous tenons toujours présent en notre esprit qu’”oublier le passé, c’est se condamner à le revivre”. Animés de cet état d’esprit - plus jamais ça - nous portons aussi à votre connaissance la cérémonie en hommage aux internés et déportés du Camp de Saint-Sulpice, lieu d’emprisonnement et de déportation pour près de 5000 personnes d’Octobre 1940 à Août 1944, avec la présence d’Henri Steiner, l’un des rescapés d’Auschwitz.

 

Le maire de Saint Sulpice et le conseil municipal ont l'honneur de vous faire connaître qu'une cérémonie commémorative se déroulera devant la stèle du camp d'internement de Saint Sulpice, le samedi 3 septembre 2005, à 10h45.

Les personnes souhaitant participer au repas de clôture, en toute convivialité au restaurant "Le relais de Montauty, à Saint Sulpice", sont priées d'envoyer leurs nom, prénom, nombre de repas et chèque (16 € par personne) avant le 20 août à M. Henri Steiner, 31 rue des Broucouniès, 81000 Albi (pour toute information supplémentaire, contactez-le au 05.63.60.65.99).

 

 

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Témoignage sur une rafle

 

Un des adhérents de notre association, Pierre Frayssines, né en 1934, viticulteur à la retraite sur les côteaux du Gaillacois, nous confie un souvenir d’enfance toujours à vif dans sa mémoire: l’arrestation, dans le village de Brens, d’un Juif qui était le père d’un camarade de jeux, son plus proche voisin. Il précise: “je ne peux être affirmatif sur l’année car j’étais tout de même assez jeune: sept ou huit ans”.

 

Durant la Deuxième Guerre Mondiale, j’habitais le village de Brens avec ma mère; mon père était prisonnier de guerre en Prusse Orientale. C’est dans ce contexte que j’ai été le témoin de l’arrestation des Juifs par le gouvernement de Vichy.

Dans le village, vivaient deux familles de Juifs. L’une habitait la Grand Rue, approximativement aux environs du n° 8 ou 10 actuel. Elle était composée de deux personnes: un couple. L’autre habitait au n° 36 de la Contrescarpe des Tonneliers, une maison qui fait angle avec une petite ruelle. Elle était composée de quatre personnes: un couple et deux garçons. L’aîné avait environ vingt ans et était très rarement à la maison. Le second avait environ huit ans et était handicapé des membres inférieurs. Les deux familles ne portaient pas le même nom, mais étaient apparentées.

Nous habitions juste en face de cette famille à gauche route de Cadalen au n° 13.

C’est ainsi qu’un matin vers dix heures - je pense que c’était en 1941 ou 1942 - nous avons vu passer d’un pas pressé le monsieur qui habitait la Grand Rue. Il ne courait pas mais se retournait sans cesse et dès qu’il a été au niveau du pont qui enjambe le ruisseau de Rieucourt, il est descendu se cacher dans les rives et certainement plus loin.
Quelques instants plus tard, nous avons vu arriver deux gendarmes français au 36 de la Contrescarpe. Le premier frappait à la porte d’entrée, le second se postait à l’angle de la ruelle ne laissant aucune chance à nos voisins d’échapper à l’étau qui venait de se refermer. La mère de famille est venue ouvrir au gendarme. Son mari, beau-frère du fugitif, tente de s’échapper par la fenêtre qui donne sur la ruelle. Peine perdue: le second gendarme est là pour l’arrêter.

On voit bien le zèle qu’affichait la Gendarmerie Nationale au service des Nazis. Nous n’avons jamais revu ce chef de famille, emporté très certainement dans les camps d’extermination.

Ces familles sont ensuite parties du village de Brens pour je ne sais quelle destination.


Cette rafle intervient probablement lors des 2 premières années de “L’Etat Français”.

     Xénophobie et antisémitisme d’Etat - annulation de près de 15 000 naturalisations (22 juillet 1940), 1er Statut excluant les Juifs de nombreuses fonctions (3 octobre)... - sont mis en place dans le cadre d’une collaboration poussée avec la dictature nazie (entrevue de Montoire sollicitée par Pétain, 22 octobre) dans l’objectif de placer notre pays au second rang derrière l’Allemagne dans la construction d’une “Europe nouvelle”.
     Dès le début de l’année 1939, un premier camp pour des “étrangers indésirables” - des réfugiés allemands et autrichiens antinazis - avait été mis en place à Rieucros (près de Mende) par la Troisième République, gangrenée par les racismes et l’anticommunisme.
     Au lendemain du vote des pleins pouvoirs au vainqueur de Verdun (10 juillet 1940), l’entreprise criminelle - qui a ses origines dans le climat de confusion des esprits et de déstabilisation des repères, la crise morale et la profonde division du pays au cours des années de la Grande Dépression, le traumatisme de la défaite - est en marche. Après des décennies de pratique discriminatoire dans nos colonies (Code de l’Indigénat, 1881), la magistrature conjugue sans sourciller droit et antisémitisme procédant à la dépossession des Juifs et à leur anéantissement juridique. (cf: Olivier Le Cour Grandmaison: Coloniser. Exterminer; Librairie Arthème Fayard, 2005)

     Les hommes Juifs d’origine étrangère (célibataires ou “chefs de famille”) sont les premières victimes des rafles. La police et, dans nos campagnes, la gendarmerie obéissent aux ordres. L’opinion ne s’émeut guère, particulièrement dans la zone non occupée, largement “maréchaliste”. Léon Bérard, ancien Sénateur d’Orthez, ambassadeur auprès du Saint-Siège s’assure qu’il ne soit “intenté nulle querelle pour le statut des Juifs”, le régime est soutenu aussi par des éléments venus des horizons de la gauche: des pacifistes, certains syndicalistes comme René Belin...

     Des habitants de la célèbre station thermale de l’Allier - et de la France entière - réclament aujourd’hui l’abandon de l’expression usitée “France de Vichy” pour celle de “dictature du maréchal Pétain” afin de mettre en lumière la rupture fondamentale avec les idéaux de la Révolution Française - “avec Pétain, nous sortons du tunnel de 1789” (Charles Maurras) - et l’orientation barbare du régime, dès juillet 1940, sous la pression de l’extrême-droite française haineuse et revancharde conduisant à la “complicité de crime contre l’humanité”.

     Après le revirement de l’opinion à l’égard du régime “Travail, Famille, Patrie”, suite aux célèbres rafles de l’été 1942 touchant des familles entières (y compris les enfants de moins de 16 ans non réclamés par Eichmann), des gendarmes ont aussi pris des risques - Oui, il y a eu le Vel d’Hiv, mais aussi... la brigade du Malzieu (Lozère) qui sauva 200 Juifs: admirable fut, dès le début 1943, l’attitude du maréchal des logis chef Cazals, reconnu comme “Juste” le 20 décembre 1993 et honoré à Albi à titre posthume lors de la cérémonie traditionnelle commémorant la rafle du Vel d’Hiv (20 juillet 2003) à l’initiative d’Henri Steiner.

 

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Dans le cadre de nos échanges avec d’autres associations de Sauvegarde de la Mémoire, nous vous annonçons le Troisième Colloque de Lacaune. Jacques et Eliane Fijalkow et Olivier Héral représentaient les “Amitiés Judéo-Lacaunaises” lors de notre Journée de Liaison du 19 juin 2004 (complétée par la conférence de l’historien Gilbert Badia)
Contacts: Association des amitiés Judéo-Lacaunaises Tél: 05.63.37.00.18 Fax: 05.63.37.15.40

 

TROISIEME COLLOQUE DE LACAUNE
Samedi 17 et dimanche 18 septembre 2005, salle municipale de Bel-Air

"LES ENFANTS DE LA SHOAH, LEURS ENFANTS ET LES ENFANTS DE LEURS ENFANTS"

 

  • Samedi 17 septembre
    • A partir de 8h45 : accueil des participants
    • Matinée : 9h30 - 12h : LES ENFANTS DE LA SHOAH
      • 9h30 : séance d'ouverture
        • Serge klarsfeld, président de l'association des fils et filles des déportés juifs de France
      • 10h30 : interventions -
        • Rémy Handourtzel, ESC Rouen - "Vichy et l'école"
        • Michel Laffitte, CDJC Paris - "Les enfants juifs et l'UGIF"
        • Martine Lemalet, Paris - "Le rôle de l'OSE (Organisation de Secours à l'Enfance) dans le sauvetage des enfants juifs"
      • 11h30 : lecture de poème
        • "les orties noires flambent dans le vent" (Claude Vigee), dit par Monique Julien
    • Après-midi : 14h-18h30 : LA FRANCE SOUS VICHY
      • 14h : interventions
        • Alain Michel, université hébraïque, Jérusalem - "Les éclaireurs israélites de France au secours des enfants juifs"
        • Madelein Comte, professeur Lyon - "Les baptêmes d'enfants juifs"
        • Marcel Frydman, université de Mons - "Les enfants cachés en Belgique"
        • Franck Ristorcelli, Toulouse - "assignés à résidence : le cas d'Aulus"
      • 16h - 16h15 : pause
      • 16h15 - 17h15 : La France dans l'après-guerre et aujourd'hui
        • Katy Hazan, historienne OSE - "Les enfants de Buchenwald"
        • Eléonore Hamaïde, univ Paris 13 - "La représentation des enfants juifs dans la littérature de jeunesse"
      • 17h15 - 18h15 : débat animé par Benoît Falaize, INRP "L'enseignement de la Shoah : le discours des déportés des camps de concentration et sa réception dans les écoles aujourd'hui", avec Marcel Marcault (Toulouse) et Henri Steiner (Albi) déportés à Auschwitz
      • 20h30 : soiré culturelle
        • chorale de Lacaune "Les écoliers à l'étoile" (paroles et musique de Soizik Moreau)
        • Documentaires présentés par leur auteur
          • "Passeurs d'Ariège", film de Nicole Zimmermann, France 3 Toulouse
          • "Les armes de l'esprit", film de Pierre Sauvage, Los Angeles
          • "De Lacaune à Auschwitz, sur leurs pas", film des élèves de 3° du collège de Lacaune
  • Dimanche 18 septembre
    • Matinée : 9h - 12h30 : COMMENT VIVRE APRES CA ?
      • Marianne Rubistein, univ Paris 7 "Tout le monde n'a pas la chance d'être orphelin"
      • Yoram Mouchenik, psychologue clinicien à Paris "De la disparition u deuil chez les orphelins de la Shoah"
      • Pérel Wilgowicz, psychanalyste à Paris "Les ouragans et le vampirisme de l'Histoire"
      • Henri Sztulman, univ Toulouse le mirail "La culpabilité des survivants"
      • Chantal Bordes-Benayoun, IESR Toulouse "La Shoah dans l'engagement des jeunes séfarades aujourd'hui"
    • Après-midi :
      • 14h - 15h
        • Kerry Bluglass, psychiatre, univ Birmingham "Les enfants résilients de la Shoah"
        • Patrick Cabanel, univ Toulouse le mirail "Des rafles de 1942 au journal d'Anne Frank et à la maison d'Izieu : les enfnats juifs dans l'émotion française face à la Shoah"
      • 15h - 17h : témoignages
        • René Klein, responsable de la 6° pour la région toulousaine
        • Berthe Burko-Falcman, écrivain
        • Edouard Drommelschlager, commerçant
        • Denise Epstein, fille d'Irène Némirovski, écrivain morte à Auschwitz
        • Yvette Goldberger, psychologue clinicienne
        • Anny Malroux, fille d'Augustin Malroux, député du Tarn, mort à Bergen-Belsen
        • Annie Zylberberg, journaliste
        • Nathanaël Fijalkow, étudiant

En parallèle avec le colloque,

  • festival de cinéma à l'intention des enfants des écoles de Lacaune : films consacrés aux enfants juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale
  • exposition : portraits d'enfants victimes de la Shoah en Midi-Pyrénées (FFDJF)
  • librairie : vente d'ouvrages sur le thème du colloque

 

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PS: Nous rappelons à ceux qui n’ont pas encore renouvelé leur adhésion ou qui voudraient nous rejoindre, que le montant minimum est de 10 € (adhésion individuelle) ou 15 € (couple ou famille).
Le chèque peut être adressé à la trésorière: Mme Jeannine Audoye,
54 Avenue Rhin et Danube 81600 Gaillac
Nous remercions tous ceux qui nous apportent leur soutien. L’intérêt de chacun d’entre vous est un encouragement au moment où l’un de nos principaux objectifs est, avec le concours d’autres Associations, la réalisation d’un Lieu de Mémoire et de Pédagogie.